
Atelier sur la transparence et l’equité dans les SFD
Le système bancaire en général et les Systèmes Financiers Décentralisés du Sénégal (Sfd) en particulier se prémunissent contre les risques encourus dans l’octroi de crédit, mais le consommateur, lui, de quelle garantie dispose t-il pour emprunter sans risque ? La problématique de la protection des consommateurs des services financiers offerts par les (SFD) a fait l’objet d’une étude-diagnostic dont les résultats, restitués mercredi dernier à Dakar à l’occasion d’un atelier, ont permis aux auteurs d’établir qu’« il n’y a pas au Sénégal d’évidence d’abus sévères des clients des SFD ». Ce qui suppose qu’il y a tout de même certains manquements qui ont d’ailleurs été identifiés dans le cadre de ladite étude.
Dans son discours d’ouverture, Madame Seynabou Ly Mbacke, ministre de l’Entreprenariat féminin et de la Microfinance, a d’ailleurs campé le sujet en reconnaissant que « la commercialisation du secteur souvent au détriment de la mission sociale, la course effrénée à la croissance, les politiques de crédit trop laxistes ou prédatrices, le surendettement des clients et les pratiques de recouvrement très agressives qui s’ensuivent sont tant de facteurs négatifs qui ont, à juste titre, justifié les critiques qui s’abattent sur le secteur. » Mais elle cite notamment « certains pays d’Asie et d’Amérique Latine ».
Au Sénégal cependant, en matière de transparence qui est l’un des premiers grands principes devant guider la conduite des prestataires de services financiers quel que soit le contexte, les règles relatives au taux d’usure ne sont pas bien connues du public et les spécialistes constatent le manquement dans le rapport qui fait état de prés de 99% des répondants qui ignoreraient ces règles.
Appliquer les textes
Aussi, la loi sur l’usure qui limite le coût du crédit pour les SFD à 27% et la réglementation sur le Taux Effectif Global (TEG) qui inclut les diverses commissions dans cette limitation du coût du crédit et obligent les institutions financières à afficher le TEG, pose t-il le dilemme suivant : soit appliquer strictement la loi ce qui, aux yeux des spécialistes, pourrait provoquer la faillite de certains SFD et restreindre fortement les services financiers aux populations les plus défavorisées ou, au risque de non respect de la loi, tolérer les pratiques « constatées à ce jour ». Ce second choix, selon les spécialistes, « n’est pas acceptable » pour autant qu’on veuille promouvoir l’éducation financière et la transparence. C’est aussi le cas pour ce qui est de la nécessité pour les acteurs du secteur de la microfinance, de mieux informer les clients sur les coûts et autres conditions relatives non seulement à l’épargne mais a tout autre produit proposé.
D’un autre côté, si l’enquête menée dans le cadre de l’étude « n’a pas constaté de discrimination flagrante » à l’encontre d’une classe spécifique de répondants, le fait qu’une proportion importante de la clientèle des SFD soit peu alphabétisée établit que toute communication basée sur l’écrit constitue en soi une discrimination à l’encontre de ces clients. De plus, si l’étude ne relève pas au stade actuel, pas d’évidence de problème massif de surendettement au Sénégal, il apparaît que celui-ci a un lien avec les pratiques de recouvrement des impayés et à ce niveau, les clients interrogés dans l’étude ont signalé quelques pratiques considérées comme « inacceptables ».
Par ailleurs, les clients des SFD devraient disposer de recours facilement accessibles pour trouver des solutions à leurs griefs or, la procédure actuelle serait peu connue et peu adaptée aux réalités socio-économiques des clients de la microfinance.
Sous ce rapport, outre les trois grands principes de transparence, traitement équitable et mécanisme de recours qui doivent guider la conduite des prestataires de services financiers, il n’y a pas de norme précise de protection des consommateurs. Jusqu’à une période récente, la traduction en textes réglementaires applicables au secteur de la microfinance des principes de protection des consommateurs se limitait à la réglementation sur l’usure et aux dispositions de droit commun. L’ancienne loi portant réglementation des SFD ne comportait pas de dispositions explicites sur des matières telles que transparence ou les mécanismes de recours. En conséquence, certaines obligations qui incombent aux SFD sont nouvelles et n’ont pas encore été toutes traduites dans le fonctionnement de ces institutions.
Pour sa part, le ministre de tutelle a une lecture un tantinet nuancée sur la question règlementaire. Pour elle, même si dans le secteur de l’UEMOA, et au Sénégal en particulier, les thématiques de protection des consommateurs et de finance responsable sont récentes dans leur conceptualisation, « elles ont toujours été une préoccupation majeure des acteurs, notamment des Autorités, mais également des institutions de microfinance. » Au niveau réglementaire, Mme le ministre estime que l’un des objectifs majeurs de la Loi régissant les SFD « a toujours été la protection des déposants. » Avec la nouvelle Loi, fait-elle remarquer, « cela a été renforcé et un certain nombre de dispositions ont été prises pour protéger les usagers et promouvoir une tarification transparente et plus responsable.» Mme le ministre parle ainsi de l’affichage standardisé des conditions à la clientèle, notamment du taux effectif global d’intérêt, la mise en place (en cours) d’un système de garantie des dépôts, la mise en place d’un fonds de sécurité et/ou de solidarité, « pour ne citer que celles-là », indique t-elle, évoquant en outre d’autres « mesures importantes » notamment la création d’un l’Observatoire de la Qualité des Services Financiers (OQSF).
Il ressort cependant de l’étude que, en dépit de l’existence de dispositifs réglementaires relatifs à la protection des clients et qui nécessitent de la part des acteurs un gros effort de mise en application, transparence et équité demeurent les parents pauvres du secteur. Aussi, la promotion de la concurrence devrait jouer son rôle dans l’amélioration du principe de transparence, mais aussi, l’engagement des SFD sur des modalités pratiques consensuelles non seulement de recouvrement des impayés mais aussi concernant la gestion du surendettement et la sortie des clients du surendettement. Les spécialistes qui font ces recommandations dans l’étude estiment que cela pourrait se faire par le biais d’un code de déontologie adopté par les membres de l’association professionnelle.
Le must, c’est que si la mise en application de la nouvelle réglementation et la supervision renforcée des SFD devraient renforcer la protection de l’épargne, il semble que la BCEAO projette aussi de mettre en oeuvre un dispositif de protection des dépôts des clients en cas de faillite, pour les établissements de crédit et pour les SFD.

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