
L’inclusion financière ou le défi de la transformation

Par Mouhamed Ndiaye – Directeur Général du CMS
La microfinance a suscité beaucoup d’intérêts et de controverses à la fois au cours des deux dernières décennies au Sénégal et dans le monde. Pourquoi ? Qu’en sera t-il pour le futur ? Deux questions essentielles que se posent tout naturellement les acteurs du secteur et qui très souvent ne partagent pas la même vision, du fait de pratiques et d’expériences diverses. Toutefois, force est de reconnaître que, sans être une panacée, la micro-finance a connu une évolution marquée par des transformations progressives, comme si elle recherchait permanemment un cadre plus adapté à son environnement socio économique.
Brigit HELMS dans « la finance pour tous (Construire des systèmes financiers inclusifs) » publiée en 2006 sous le label du Groupe Consultatif d’Assistance aux Pauvres (CGAP), a dressé la trajectoire de ce qu’on appelle aujourd’hui « la micro-finance » et qui revêtait des formes et appellations différentes, selon les époques.
Il est noté dans cet ouvrage que, depuis des siècles, des groupes informels d’épargne et de crédit fonctionnent dans les régions du monde en voie de développement. Des expériences ont été notées au moyen-âge en Europe, où un moine italien créa la première boutique de prêt sur gage en 1462 pour lutter contre les pratiques usuraires. En 1515, le Pape Léon X autorise les boutiques de prêt sur gage à facturer des intérêts pour couvrir leurs coûts de fonctionnement.
Au XVIIIème siècle, Jonathan SWIFT crée le système de fonds de prêt irlandais. Au XIX ème siècle, le concept de coopérative financière est mis au point par Friedrich Wilhelm RAFFEISEN et ses disciples en Allemagne. Au début du XXème siècle, des formes adaptées de ces modèles commencent à faire leur apparition dans certaines zones rurales en Amérique latine.
C’est au début des années 1970, que le microcrédit voit le jour avec des pionniers comme la Gramen Bank au Bangladesh, ACCION International en Amérique latine et la Self-Employed Women’s Association Bank en Inde. Ce n’est que dans les années 80, que les programmes de microcrédit du monde entier améliorent leurs méthodologies d’origine.
Ainsi ont vu le jour au Sénégal, des expériences intéressantes sous forme de projets au départ, avant leur institutionnalisation avec les exemples de l’Alliance de Crédit et d’Epargne pour la Production (ACEP) et le Crédit Mutuel du Sénégal (CMS).
C’est au début des années 90, que le terme « micro-finance » commence à remplacer le terme « microcrédit ». Le secteur ne se limite plus au simple crédit, mais se lance également dans l’épargne et d’autres services, tels que l’assurance et les transferts d’argent.
Aujourd’hui, les cloisonnements qui séparaient la micro-finance traditionnelle et l’ensemble du système financier commencent à s’effacer. Dans certains pays, les banques et d’autres intervenants commerciaux s’intéressent à la micro-finance. Le nouvel ordre du jour est de mettre en place des systèmes financiers inclusifs, qui servent aussi les pauvres. Cette trajectoire, ainsi décrite dans l’ouvrage de HELMS, dissipe les divergences conceptuelles et philosophiques pour ne laisser place qu’aux considérations, qui prennent en charge les préoccupations d’accès à des services financiers aux populations particulièrement pauvres ou vulnérables.

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