Plaidoirie pour une émergence basée sur une “économie solidaire” et une “justice distributive”

  10 Sep 2014 09:09

Article écrit par Mansour NDIAYE- Expert Microfinance et spécialiste en Finance islamique

Email : mansour.ndiaye@gmail.com

Finance solidaire, finance alternative : Etat des lieux et perspectives

Les finances solidaires se sont développées au Sénégal comme dans beaucoup de pays du monde. Deux grandes motivations étaient à l’origine de ce grand mouvement mondial : favoriser l’accès et réduire la pauvreté.

Déjà dans la première phase d’émergence, plus de huit cent (800) institutions desservaient moins de six cents mille (600.000) clients pour un encours de quelques milliards de FCFA, vers les années 93. Ensuite, une phase de développement s’en est suivie, boostant la production, la diversité des instruments financiers, et impliquant de vaste défis dans l’industrie. Durant cette période, « l’Etat providence » a fortement appuyé le secteur au même titre que les bailleurs de fonds. Cette belle période de la finance solidaire coïncide avec les « succes stories » ; et la consécration viendra à partir de l’année 2005, année internationale de la microfinance et, en 2006, l’extase avec le Prix Nobel de la paix attribué à Mohamed Yunus, Universitaire, Précurseur du modèle Grameen bank qui a fortement inspiré le Sénégal par ce concept de « groupe koluté » . Pour rappel, avec ces groupes, la confiance suffisait de garantie pour faire du crédit. La microfinance, dans cette phase de développement et consolidation, se retrouve avec une politique sectorielle. Elle est érigée en département ministériel : un exemple qui a inspiré nombre de pays de la sous région, et plus particulièrement de l’UEMOA.

Aujourd’hui, elle pèse – microfinance s’entend – plus de 229 milliards d’encours de crédits , pour environ un million sept cent quatre vingt dix mille (1.790.000) comptes. Elle enregistre un taux de pénétration de 14%, soit le double de celui des banques (près de 7%, et pour lequel le Sénégal est leader dans l’UEMOA). Ce secteur est fortement marqué par le leadership de quatre institutions dont le partenariat stratégique avec de grandes métropoles comme le Canada (PAMECAS), les USA (ACEP) et la France (CMS et MICROCRED) est une empreinte indéniable au-delà de leur « nationalisation » . Ces institutions concentrent 90% de l’offre de service .

Du microcrédit (crédit comme levier pour sortir de la pauvreté) à la microfinance (gamme de produit plus large : crédit, assurance, micro-assurance, transferts, épargne, etc.), le chemin a été long et les acquis considérables. Cet essor cache cependant des faiblesses : la microfinance est encore sur le littoral et rien que Dakar et Thiès concentrent presque 80% de l’offre de service du secteur. Cette disparité se creuse avec l’assainissement décrété par les autorités publiques, et visant l’intégration de la microfinance au secteur financier global. La lancinante question des taux d’intérêts élevés, du fait de la portée des services financiers, se pose avec acuité malgré les efforts réalisés. Pour rappel, le taux d’usure passe de 27,5% à 24% en janvier 2014, suite à une décision du conseil des ministres de l’Union.

Avec le Président Abdoulaye Wade, précurseur de cette vision de la microfinance (département ministériel, harmonisation des interventions, nouvelles réglementation, etc.), on se dirige, à partir de 2010, vers un durcissement des conditions liées à la pratique de la microfinance au Sénégal, plus que dans les autres pays de l’UEMOA. Ces pays de la communauté ont, quant-à eux, pris le temps nécessaire pour permettre au secteur de s’ajuster à la nouvelle réglementation. La microfinance trébuche lorsque la question des taux d’intérêt fut encore agitée avec vigueur ; les arguments des spécialistes n’eurent aucune incidence sur l’amélioration du climat. Une étude réalisée par le CGAP , démontrant que les taux de la microfinance devraient être élevés pour garantir la pérennité des institutions, n’apporta rien dans le sens de calmer le débat des détracteurs qui voulaient s’en prendre à la Microfinance. Les pouvoirs publics se démarquent de plus en plus, et cette dynamique continue sous le régime de la nouvelle alternance. Elle entraine un délaissement d’un secteur, le ralentissement du potentiel d’inclusion financière des groupes exclus et pauvres, pour lui conférer une image de banque et/ou le doter de pratiques similaires.