Promotion de la finance islamique

  Source: Malick NDAW, SUDONLINE   |     03 May 2011 01:05
Le mur du cadre réglementaire
On connaît la viande « halal », le poisson « halal », il y a pourtant le financement « halal » plus connu sous le vocable de financement islamique et très peu connu au Sénégal. En quelques chiffres, le marché mondial de la finance islamique qui s’est imposée à la faveur de la crise des surprimes en 2008 et ses impacts financiers sur l’économie mondiale, représente plus de 700,5 milliards de dollars d’actifs, environ 250 organismes de placements collectifs islamiques, environ 600 institutions financières islamiques, dont plus de la moitié des banques et la croissance de cette industrie financière particulière est de 15% à 20% par an. C’est dire le formidable potentiel de mobilisation des ressources financières que représente la finance islamique dont c’est la raison d’être et leur allocation entre différents projets d’investissement.

Basée sur deux principes, l’interdiction de l’intérêt, nommé usure, et la responsabilité sociale de l’investissement, à côté de la microfinance « classique », la microfinance islamique qui présente des relations plus solidaires entre emprunteurs et épargnants, pourrait ainsi être une véritable opportunité pour l’Afrique. A l’heure actuelle, la microfinance islamique est très concentrée dans quelques pays. L’Indonésie, le Bangladesh et l’Afghanistan représentent à eux seuls 80% de la population touchée par la finance islamique. En Afrique de l’Ouest, outre le Togo, le Sénégal connaît quelques initiatives dans ce sens, à travers la Banque islamique du Sénégal (Bis) aujourd’hui rachetée par la Banque islamique de développement(Bid), mais aussi la Mecis(Mutuelle d’épargne et de crédit islamique du Sénégal) .

C’est d’ailleurs l’expérience du Sénégal depuis 2004 à travers la Mecis qui a été à l’origine de la Mutuelle d’épargne et de crédit islamique du Togo (MECIT) qui est déjà installée, selon Mansour Ndiaye, expert en microfinance et promoteur de ladite Mecis, qui exposait sur la question, ce samedi, sur initiative du Cojes(Collectif des journalistes économiques du Sénégal). Selon lui, des expériences similaires sont en cours Guinée et au Mali avec l’aide du cabinet ASCODEV (Assistance and consulting for development) spécialisé en microfinance.

Le souffle qui lui manque 

Au Sénégal, la MECIS s’est déjà implantée à Dakar (ouest), Kaolack (centre), Ziguinchor (sud), Louga (centre), Mbour (ouest), Koussanar (est). D’autres succursales sont en cours d’installation à Saint-Louis (nord), Diouloulou (sud). Aujourd’hui, la Mecis compte plus de 10 000 clients et la tendance irait crescendo. C’est sans doute le credo de la responsabilité sociale de ce modèle de financement et le principe du taux d’intérêt zéro, qui attirent davantage. Du point de vue de la finance moderne, l’interdiction du riba (taux d’intérêt) est, sur le papier, la principale différence entre la finance islamique et la finance traditionnelle. Les acteurs de la finance islamique ont ainsi une vision différente du partage du risque et du rendement entre les différentes parties prenantes dans une transaction financière.

Entre les opérations commerciales et les opérations d’investissement, les produits de la finance islamique tournent, entre autres, autour de la mourabaha ou vente à bénéfices : La banque achète les marchandises ou les matériaux à des fournisseurs sur ordre d’un client pour les revendre à ce dernier avec une marge de bénéfice fixée à l’avance ; L’ijara ou commission : C’est une forme de crédit bail ou de leasing. La banque achète les équipements, terrains, immeubles, véhicules. Elle les loue au client. Ce dernier devient propriétaire des biens quand il a fini de rembourser des sommes qui sont échelonnées dans le temps et versées à un compte épargne. Le client paye donc une location à échéance fixe décidée à la signature du contrat ; La moucharaka : Il s’agit de la prise de participation d’une banque au capital d’un projet chaque partie recevant annuellement une part de bénéfices proportionnelle à son apport.

La banque intervient dans la formation du capital d’entreprises existantes ou à créer et dans la gestion des projets en étant représentée au conseil d’administration. Dans la moucharaka définitive, le montant de la participation et la part des bénéfices sont déterminées au préalable. La moucharaka peut être dégressive. La banque s’engage à financer en totalité ou en partie un projet jugé rentable. Elle reçoit une part de bénéfice et le partenaire a le droit de rembourser en totalité ou en partie la somme investie par la banque.

L’opération s’achève quand le partenaire a remboursé en totalité la créance de la banque et conserve seul la maîtrise du projet. Quant au sukuk, c’est un produit obligataire islamique qui est à la finance islamique ce que les Asset Backed Securities (ABS) sont à la finance conventionnelle. Il a une échéance fixée d’avance et est adossé à un actif permettant de rémunérer le placement en contournant le principe de l’intérêt. Les sukuk sont structurés de telle sorte que leurs détenteurs courent un risque de crédit et reçoivent une part de profit et non un intérêt fixe et commun défini à l’avance.

Avec l’adaptation de la règlementation, la création des Sharias Boards et une bonne vulgarisation par la communication, les instruments de la finance islamique pourraient donner à la microfinance classique en Afrique le souffle qui lui manque tant pour atteindre le plus grand nombre. Seulement, comme l’a souligné Mansour Ndiaye, la règlementation en vigueur notamment au Sénégal, constitue un sérieux obstacle.