
Risques et limites de la finance islamique
Créer un système « parallèle » au système financier conventionnel nécessite de bien comprendre son périmètre d’action, de bien cerner la complémentarité des deux systèmes. Les états ont donc un rôle fort à jouer dans la réglementation encadrant le développement de la finance islamique.
Le premier risque pour les entreprises est d’ordre réglementaire et fiscal : le risque de double imposition. L’islam exige du croyant qu’il paye annuellement la zakat ; cet impôt est calculé sur le patrimoine et nécessite d’être reversé à des œuvres vertueuses. Il s’agit d’une aumône mais également de subventions aux projets améliorant la vie des croyants ou des projets bénéfiques aux conversions. Cet impôt est transférable aux entreprises et aux banques désirant être certifiées « Sharia Compliant » : l’entreprise se doit de participer à cet impôt. Evidemment, le rôle de l’état intervient pour rendre compatible l’impôt conventionnel, laïc, et l’impôt religieux. Les autorités fiscales doivent statuer sur les statuts respectifs de ces deux impôts. Dans les états occidentaux, se pose la question du statut accordé à la Zakat : un choix personnel ou une collaboration à la collectivité ? La Zakat doit-elle être exonérée d’impôts comme un don habituel ? Dans les états religieux, où la Zakat peut être perçue comme une alternative à l’impôt : comment impliquer les entreprises étrangères ? Les citoyens étrangers ? Le statut vis-à-vis de cet impôt est une question épineuse. Il implique des questions fiscales, des questions économiques et des questions politiques. Le choix de chaque état influe directement sur le business model des banques islamiques. Ces dernières doivent être capables d’anticiper les dépenses fiscales, et sont obligées de payer la Zakat afin d’espérer être labelisées « Sharia Compliant ». Permettre une transition vers un modèle financier s’appuyant sur le religieux nécessite une politique de mise en œuvre complexe. Cette transition implique une expertise financière, juridique et religieuse pour permettre de créer un modèle juridique adapté aux besoins des banques et investisseurs respectant la loi financière islamique. Les subtilités sont parfois fines mais nécessitent d’être identifiées et définies. Dans le cadre d’un prêt murabaha, par exemple, l’institution accordant le prêt est propriétaire du bien jusqu’à ce qu’il soit intégralement rachetée par le client ; le bien est malgré tout mis à disposition du client en amont. Il en va de même avec d’autres contrats ou produits. La mousharaka où l’investisseur doit être associé à l’activité de l’entreprise, les obligations/sukuks où l’investissement doit être adossé à un actif défini. Ces contraintes influent peu sur la gestion quotidienne, mais doivent être encadrées juridiquement. Les réglementations n’ont bien souvent été qu’amorcées par les états encore peu positionnés sur ce sujet. C’est ce flou réglementaire et l’absence de jurisprudence qui peut impacter les banques islamiques et leurs clients.
La troisième série de limite concerne l’image de marque…. [Lire la Suite]
Article écrit par : Jean-Michel Huet, associé BearingPoint et Saleh Cherqaoui, directeur du développement du bureau Marocain de BearingPoint

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