Sénégal: Un Ecosystème Unique de Banque à Distance en Afrique de l’Ouest

  Source: Omar Ndiaye & Sarah Rotman - CGAP   |     14 Aug 2012 02:08

Le terme « Ecosystème » est un mot populaire qui s’est largement vulgarisé dans les milieux de l’inclusion financière ces deux dernières années… et à juste titre. Un fournisseur unique, un canal de distribution unique et un modèle économique unique ne sauraient être suffisants pour offrir une gamme de services financiers aux différents segments de la population non bancarisée. Après un rapide coup d’œil dans la salle de conférence au siège de la BCEAO à Dakar au Sénégal récemment, il ne faisait nul doute de l’émergence d’un écosystème dans ce pays Ouest Africain. La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a organisé, fin Juin 2012 à Dakar, la première concertation régionale sur le « Mobile Banking », afin d’évaluer les développements dans le domaine des services bancaires mobiles dans la zone UEMOA. Cet événement majeur a fourni la première véritable opportunité pour les régulateurs d’engager le dialogue avec les principaux acteurs de l’industrie du « mobile banking », à savoir les opérateurs mobiles, les banques commerciales, les institutions de microfinance (IMF), les émetteurs de monnaie électronique non bancaires et d’autres organismes gouvernementaux.

La BCEAO, qui réglemente l’environnement bancaire des 8 pays de l’UEMOA, a été au plan mondial, une banque centrale précurseur en matière de banque à distance. En effet, elle a dès 2006, mis en place une réglementation sur la monnaie électronique, créant ainsi un environnement réglementaire permettant aux institutions non bancaires de recevoir une licence d’émetteur de monnaie électronique.
Aujourd’hui, 6 ans plus tard, 12 initiatives de banque à distance ont été déployées dans 6 des 8 pays de l’UEMOA. Toutefois, parmi tous ces pays, le Sénégal est connu pour la diversité et la richesse de son marché. En effet, il y a, au Sénégal, le plus large éventail d’acteurs et de modèles économiques autour de la banque à distance, mettant ainsi en évidence un écosystème émergeant qui comprend les acteurs suivants :
– La SGBS, filiale de la banque française la Société Générale, est le seul acteur bancaire à proposer sa propre solution de mobile money appelée « Yoban’tel ». L’offre Yoban’tel tire avantage du partenariat de la SGBS avec le Crédit Mutuel du Sénégal, sur la partie distribution, ce qui lui permet d’exploiter le réseau étendu d’agences de la plus grande institution de microfinance du pays.
– L’opérateur mobile Orange est actuellement le seul opérateur à fournir une solution de mobile money, Orange Money, dans le cadre d’un partenariat avec la banque BICIS filiale du groupe bancaire français BNP Paribas. Tigo est le deuxième opérateur mobile du pays.
– FERLO, fut le premier acteur non bancaire agréé en tant qu’émetteur de monnaie électronique. Il propose des solutions de cartes prépayées, ainsi que des solutions de paiement mobile depuis peu.
– Deux des plus grandes institutions de microfinance à savoir ACEP et PAMECAS en partenariat avec le fournisseur technologique Mobile Banking Enabler devraient être prochainement les premières institutions du genre agréées à opérer dans le monde du « mobile banking » dans la zone UEMOA.
– Le CSI (Cellular Systems International) à travers son offre W@ri, propose une solution de transfert d’argent « cash à cash » initiée par SMS sur la base d’un large et dense réseau d’agents.
– Le Groupement Interbancaire Monétique de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (GIM-UEMOA), qui est le switch régional pour les systèmes de paiements interbancaires et les paiements électroniques, met à disposition de la communauté bancaire sa solution de « mobile banking » appelée GIM-Mobile.
– La Direction de la MicroFinance, en partenariat avec la kfw, a initié un projet de « mobile banking » mutualisé, dont l’objectif est de mettre à la disposition des institutions de microfinance, notamment celles en milieu rural, une plateforme de « mobile banking » .
C’est là tout un écosystème. Il comprend des banques commerciales, des opérateurs mobiles, des émetteurs de monnaie électronique non bancaires, des IMF, des entreprises technologiques, des fournisseurs tiers, des switchs, des ministères gouvernementaux et des bailleurs de fonds. Cependant, certaines caractéristiques du marché sénégalais interpellent notre curiosité, à savoir principalement, le potentiel du marché au Sénégal et l’avantage qu’il tire du fait que ce pays héberge un grand nombre d’institutions régionales.

Les premiers résultats observés sur le marché sénégalais montraient qu’en fin 2011, près de deux ans après le lancement des premiers services, il y avait environ 800 000 clients inscrits disposant d’un compte de mobile money. La population du Sénégal est d’environ 12,5 millions de personnes ; il y a donc encore un énorme marché à exploiter, de même que la nécessité d’une compréhension plus approfondie des activités et des besoins financiers des utilisateurs. De plus on note que, la SGBS est la première banque commerciale de l’UEMOA à ??offrir sa propre solution de mobile money. FERLO fut le premier acteur non bancaire à émettre de la monnaie électronique, suivi par d’autres émules au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Le secteur de la microfinance au Sénégal est l’un des plus développés et des plus matures dans la région. Tandis que GIM-UEMOA a son siège social au Sénégal, sa plateforme GIM-mobile est conçue pour couvrir les 8 pays de la zone UEMOA. La même chose pourrait être dite de W@ri, qui est présent dans les 8 pays de l’union. Ainsi plusieurs initiatives commerciales ont été lancées au Sénégal et ont le potentiel d’influer et d’impacter toute la région.
Telles sont, pour l’heure, quelques-unes de nos impressions sur les aspects uniques du secteur de mobile money au Sénégal. Toutefois il y a également beaucoup de choses qui se passent dans le reste de la région, et nous mettrons en évidence certains de ces développements passionnants dans des articles ultérieurs. Il suffit de dire que, malgré une industrie de banque à distance relativement jeune au Sénégal, le marché est déjà très concurrentiel. Un écosystème composé des différents acteurs est en train de voir le jour et laisse présager d’une formidable dynamique d’innovation qui nous l’espérons, aboutira à des solutions durables qui apporteront des services financiers à ceux qui en ont le plus besoin.

Omar est un consultant du CGAP dans le domaine de la banque à distance pour l’Afrique de l’Ouest francophone basé à Dakar, au Sénégal. Sarah gère les activités de banque à distance du CGAP pour l’Afrique de l’Ouest francophone et est basée à Washington, DC.