
Taux de bancarisation au Sénégal
L’échec du systéme bancaire
C’est assez révélateur de l’échec du système bancaire classique à attirer les populations, si l’on considère que, hormis le Sfd, le taux de bancarisation (la bancarisation définit le processus d’appropriation et d’utilisation des services bancaires par la population) n’est que de 6% et que 13% des populations qui possèdent un compte préfèrent ou ne peuvent accéder qu’au Sfd. Ne comparons même pas avec la France (le niveau de bancarisation est globalement fonction du niveau de développement économique) qui affiche un taux de bancarisation de 99%, mais plutôt avec la Tunisie (60%) ou encore le Maroc (40%). Et il s’agit-là du système bancaire classique qui, élargit à la zone Uemoa, n’attirerait que moins de 10% des populations.
Certes les autorités monétaires de la zone ont pris conscience de cette faiblesse notoire et essaient depuis quelques années maintenant, de la corriger. Les initiatives dans ce sens ne manquent pas et l’objectif d’atteindre 25% des populations de la zone communautaire dans les cinq ans est affiché. Objectif d’ailleurs assez peu ambitieux au regard des moyens mis en œuvre par les institutions notamment une campagne de promotion lancée le 23 septembre 2010 et qui arrive à terme au cours du mois de mars en cours.
Une campagne de modernisation des systèmes et des moyens de paiement dans l’Uemoa était en même temps entamée, visant l’amélioration de la qualité des infrastructures de paiement, la consolidation de l’efficacité des instruments de contrôle et de mise en œuvre de la politique monétaire, en vue d’un développement plus harmonieux et efficient du marché financier régional.
A la lumière des chiffres, on est encore très loin du compte et lorsque l’on interroge les causes de cette faiblesse du taux de bancarisation, la question qui se pose est : est-ce au système bancaire à s’adapter ou le contraire ?
La méfiance des populations vis à vis des instruments de paiement scripturaux a été identifiée comme le premier facteur, mais le faible niveau de revenu des populations, les difficultés d’accès aux services bancaires, la méconnaissance du système bancaire et de ses pratiques par une large frange de la population, les longs délais d’encaissement et le coût élevé des transactions et des services bancaires, sont loin d’être des facteurs négligeables. Il est vrai, cependant que le plus grand défi reste celui des habitudes sociales qui ailleurs, rendent la détention d’un compte bancaire strictement nécessaire.
Néanmoins, les banques, du moins certaines d’entre elles ne sont pas restées sourdes à l’appel des autorités monétaires relatif à la nécessité de baisser les coûts des services bancaires. Mais à quels niveaux ?
Dis-moi… Bancarisation
Entre le taux de bancarisation des ménages, des adultes, des actifs, on reconnait une certaine nécessité de relativiser le concept. Cela renvoie à une étude publiée en 2008 et réalisée par Agossou Jacques Gansinhoundé, un cadre supérieur en Informatique, Banque et Finance, et basée sur une comparaison des niveaux de bancarisation dans le monde, avec comme référence la situation en Uemoa et Cemac.
Il en ressort que le premier par exemple représente la proportion des ménages ayant au moins un compte en banque. Cette approche se base sur le principe de la solidarité familiale. Un compte au moins par ménage constituerait une assurance de bancarisation des revenus du ménage. En plus, les moyens de paiement scripturaux éventuels pourraient être utilisés conjointement par les membres du ménage.
Mais cette approche sous-estime l’effet de l’individualisme lié au développement économique notamment dans les pays occidentaux. Pour l’auteur, il est illusoire de considérer qu’un seul compte pourrait servir aux besoins en services financiers de tout un ménage. Le désir d’indépendance financière des époux et des enfants majeurs rend obligatoire la bancarisation individuelle.
Par contre, dans les sociétés fortement patriarcales de certains pays d’Afrique et d’Asie, on peut de façon réaliste prendre le compte par ménage comme une base d’appréciation. Dans ce genre de société, les ressources financières sont quasi-exclusivement détenues par l’homme faisant office de chef de foyer. Il apparaît ainsi nécessaire de contextualiser l’interprétation de cet indicateur.
Quant au second qui représente la proportion des adultes disposant d’un compte en banque, il s’agit ici de mesurer le niveau d’appropriation et d’utilisation des services bancaires par rapport aux besoins des personnes potentiellement en âge de l’utiliser. Dans un ménage, il peut y avoir plusieurs personnes adultes qui ont besoin de disposer d’une relation bancaire directe sans forcément passer par un conjoint ou un parent. Cet indicateur semble plus proche de la réalité en matière de mesure des besoins de massification des services bancaires.
Le troisième qui représente la part des actifs qui disposent d’un compte en banque, est encore plus pertinent à l’analyse par rapport à un pays comme le Sénégal. Cet indicateur traduit la part réelle du besoin en services bancaires qui est satisfaite. Une personne économiquement active est susceptible d’avoir besoin d’un compte bancaire.
Dans les pays développés, il s’agit d’une nécessité quasi absolue. La bancarisation des salaires et des revenus sociaux décidée par la loi dans certains pays a mis le compte au centre de la vie économique. Même dans les pays (anglo-saxons) où le salaire peut être perçu hors banque, la satisfaction des besoins de consommation nécessite la possession d’un compte bancaire.
Dans les PED par contre, la prédominance du secteur informel et le très faible niveau de bancarisation rendent le compte bancaire moins indispensable et même optionnel dans la vie active. Les institutions de financement non bancaires sont très développées et pallient en partie, l’insuffisance de l’offre de services bancaires. Il s’agit là d’une différence importante liée aux caractéristiques économiques des pays. Tout compte fait et bien qu’étant fortement corrélée avec le niveau de développement économique, la bancarisation ne peut être considérée comme l’apanage des seuls pays industrialisés.
Tout pays, quelque soit sa situation économique, peut prendre des mesures susceptibles d’améliorer son niveau de bancarisation et d’atteindre la barre « psychologique » des 50% de la population bancarisée. Mais parmi les mesures à prendre pour y arriver, il y a la nécessité de la définition d’indicateurs clairs et la collecte de statistiques nécessaires à leur évaluation et à leur suivi.

A lire Aussi
