Taux d’interêts dans la microfinance

  Source: SUDONLINE, le 07/03/2011 | par Malick NDAW   |     07 Mar 2011 01:03
Le Pr Yunus remet le débat lors de la conférence organisée par la Fondation Gameen-Crédit agricole sur le concept du Social business
Le Collectif des journalistes économiques du Sénégal(Cojes) avait soulevé, il y a peu, la problématique, en invitant à la réflexion sur le secteur de la microfinance et les taux d’intérêt élevés pratiqués par les institutions de microfinance. Actuellement plafonné à 27% dans l’espace Uemoa, un taux déjà jugé très élevé, le taux d’intérêt effectif dépasse cette limite du taux d’usure légal et toutes les Imf (Institutions de microfinance) seraient au-delà. La question se pose avec d’autant plus d’acuité que cette situation remet sans cesse en cause l’objectif du social assigné à l’origine aux Imf. Muhammad Yunus, économiste et entrepreneur bangladais surnommé le « banquier des pauvres » et connu pour avoir fondé la première institution de microcrédit, la Grameen Bank qui lui valut le prix Nobel de la paix en 2006, a ramené le débat sur la table, vendredi dernier à Dakar où il intervenait en vidéo conférence dans le cadre d’une rencontre initiée par la Fondation Gameen-Crédit agricole, sur le concept du Social business. Selon le Pr Yunus, il faut mettre au point une ‘’méthode de calcul harmonisée des taux d’intérêts’’ pour le micro crédit afin, dit-il, « de contribuer à raffermir les liens de confiance qui doivent exister entre les institutions de micro-crédit et les emprunteurs. »

Rappelons que les méthodes de calcul des taux d’intérêt appliqués par les Imf varient d’une Imf à une autre, ce qui fait qu’ils peuvent être exorbitants et renchérir ainsi le coût du crédit. Toujours est-il qu’une harmonisation des méthodes de calcul des taux d’intérêt coupe net avec un plafonnement de ces taux comme c’est le cas actuellement au Sénégal et dans l’espace communautaire, du moins en théorie. Pour mieux expliciter cette idée, il ne s’agit pas d’établir un taux d’intérêt harmonisé, mais plutôt de définir un mode de calcul accepté par tous pour pouvoir procéder à des comparaisons, selon les précisions apportées par l’Ong Micro Finance Transparency.

La problématique est d’autant plus cornélienne que le taux d’intérêt est le principal levier pour la pérennité financière des Imf. Son calcul fait intervenir les frais généraux (FG), les créances irrécouvrables (CI), le cout des ressources (CR), le taux de capitalisation souhaité (K), et le produit des placements (PP) de sorte que le taux d’intérêt effectif annualisé est souvent très élevé. Autrement dit, du coté de l’offre, les taux élevés pratiqués par les IMF sont nécessaires pour couvrir leurs charges : d’une part le coût du capital prêté, car elles l’empruntent elles-mêmes en partie, à des taux qui varient de 8% à 20% ; d’autre part, leurs coûts de fonctionnement qui représentent généralement de 20% à 50% des sommes prêtées. L’octroi de crédits génère en effet des charges fixes (rencontrer le client, suivre le remboursement…) et plus les crédits sont petits, plus ces coûts sont proportionnellement élevés. Ce sont donc les coûts d’exploitation et non les bénéfices qui déterminent les taux d’intérêt du microcrédit pour l’immense majorité des IMF. Il semble d’ailleurs que, généralement, même les IMF les plus sociales, qui ne visent que la rentabilité nécessaire à leur pérennité, ne baissent pas leurs taux.

Une harmonisation des méthodes de calcul des taux d’intérêt apparaît ainsi pertinente et, comme le soutenait il y a peu, Adama Thiam, un consultant sénégalais en microfinance, lors d’un atelier initié par la Direction de la Microfinance en partenariat avec le Cojes, Il conviendrait plutôt d’imposer aux IMF une plus grande transparence, car la diversité des méthodes de calcul des intérêts et des commissions rend difficile la comparaison des offres par les clients. C’est exactement l’idée que défend le Pr Yunus.